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01 Nov

Celles qui regardent - Marcelline Roux

Publié par Jacky Essirard

Celles qui regardent,  Marcelline Roux, gravures Francepol  – éditions Rhubarbe 2017

Le sous-titre comme souvent précise le sujet : Carnet des maisons. Celles qui regardent sont deux femmes, l’une écrit, l’autre grave pour fabriquer un livre à deux mains qui parlera des maisons. Au commencement un couple est en quête d’un nouveau domicile et tous les deux en ont une idée précise. Elle sera près d’une gare et il y aura un atelier. Il est difficile de trouver du premier coup le nid idéal et l’auteure nous entraîne avec elle dans ses recherches concrètes et aborde la question de point de vue matériel. Mais très tôt le propos  se modifie et nous voyons apparaître d’autres demeures, des souvenirs. Nous croisons le peintre Eugène Leroy, Marguerite Duras, chacun occupant sa maison à sa manière.

 

L’endroit enfin trouvé, les questions importantes surgissent : habitent-ils la même maison ? Et « Comment être femme aujourd’hui dans une maison ? »Marcelline Roux revient sur le rôle traditionnel de la femme chargée de maintenir en ordre son intérieur, de veiller à ce que tout fonctionne. Elle se souvient du film de Chantal Akerman et de l’actrice Delphine Seyrig pour illustrer ses mots. L’homme suit de loin les opérations, la maison n’est pas sa préoccupation principale. Il n’est pas « homme de maison » mais plutôt, et en cela il rejoint la majorité de la gente masculine un homme d’atelier, de bureau, de jardin, là où il peut exercer une activité. L’homme n’est attaché aux murs et aux tâches domestiques que par la famille et ses talents de bricoleur. Cette double spécialisation perdure de nos jours. Elle est la source de beaucoup de malentendus.

 

L’auteure se pose la question de l’adéquation d’un couple avec son domicile. Chacun son coin. Chacun trouve sa place, lui dans son atelier, elle dans sa chambre avec sa bibliothèque. Cette dernière est un immeuble peuplé de nombreux locataires, chaque livre est une sorte d’appartement avec personnages et histoires.

 

Ce carnet est un refuge pour les mots et les images. Les gravures se succèdent, soulèvent d’autres pistes. Des maisons à la campagne, des maisons escargots, des images simples qui traduisent à la fois la quiétude d’une demeure et ses angoisses. Francepol ne verra pas le livre achevé, l’homme a déserté. Le rêve de la cabane s’éloigne. Le rythme de la narration accélère, maison, solitude, souvenirs, le trajet s’achève. Marcelline Roux pense à toutes ces habitations qui changent d’occupants, aux vestiges. Mais finalement ce livre lui-même est la maison qu’elle a construite en même temps qu’elle réalisait une partie de sa demeure intérieure.  

 

Jacky Essirard/ octobre 2017

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